Le Lab
Les études

L'alimentation écologique
Hiver 2022 - Printemps 2023
Après le succès de ses deux derniers labs, Eco-Habitons à choisi de s’intéresser à la thématique de l’alimentation.
Nous sommes en effet partis d’un constat simple : l’accès à une alimentation écologique est aujourd’hui entravée par de nombreuses inégalités sociales.

Automne 2021 - Printemps 2022
Dans cette étude réalisée par l’association Eco-Habitons, nous voulons déconstruire les idées reçues sur la maison écologique. Nous voulons montrer la diversité des savoirs et des pratiques sur ce sujet, et donc proposer des solutions pour construire, habiter et partager un territoire de façon écologique.

Printemps 2021 - Été 2021
Les chercheur.se.s et militant.e.s qui utilisent l’intersectionnalité comme outil de réflexion font bouger les lignes de l’écologie. Cette étude revient sur l’articulation des enjeux de justice sociale (classe/genre/race/LGBT+/Nord-Sud) et écologistes.
Le lexique
#Lab 1 : La place de l'écologie dans l'intersectionnalité
L’anthropocène est une nouvelle notion très débattue au sein de la communauté scientifique. Construite à partir du grec ancien “anthropos” (être humain), et “kainos” (récent), elle signifie que l’époque géologique dans laquelle nous nous trouvons actuellement, caractérisée par le réchauffement climatique, serait le fruit de l’action humaine sur la planète.
Pour les défenseurs de l’anthropocène, les activités humaines seraient donc devenues si importantes et généralisées qu’elles rivaliseraient désormais avec les grandes forces de la nature, faisant évoluer la planète vers une moins grande biodiversité et un dérèglement climatique sans précédent.
Pour plusieurs scientifiques, cette notion mériterait cependant d’être redéfinie, car elle ne concernerait qu’une partie de la population mondiale. En effet, elle ferait uniquement référence à la construction occidentale du rapport de domination de l’homme sur son environnement, justifiant de l’exploitation abusive des ressources naturelles.
Ce rapport de domination, pourtant loin d’être partagé par d’autres communautés mondiales, constituerait la cause du réchauffement climatique actuel.
Pour remédier à l’homogénéité du concept, et attribuer des causes plus précises à la dégradation environnementale mondiale, plusieurs autres termes furent proposés par certains chercheurs, dont voici deux exemples:
- Plantationocène : (A. TSING et D. HARAWAY) : “désigne la transformation dévastatrice de divers types de fermes, de pâturages et de forêts entretenues par l’homme en plantations extractives et fermées, reposant sur l’esclavage et d’autres formes de travail exploité, aliéné et généralement transporté dans l’espace”
- Capitalocène (A. MALM) : la formation historique des économies capitalistes seraient responsables de la transformation du climat, en faisant de la consommation un but en soi.
Pour en savoir plus :
- Beau, Rémi, et Catherine Larrère. Penser l’Anthropocène. Presses de Sciences Po, 2018
- Youness Bousenna, “Faut-il parler d’Anthropocène ?”, Socialter, publié le 10 mars 2021
L’ouvrage de Guillaume Blanc, Invention du colonialisme vert, en finir avec le mythe de l’éden africain nous permet d’illustrer comment la vision occidentale de la nature fut “exportée” à l’échelle du continent africain tout entier, par le biais de la colonisation puis des politiques internationales de conservation. Cet “éden africain”, c’est l’idée selon laquelle l’Afrique serait originellement un espace vierge et sauvage, préservé de toute civilisation, où la nature et les animaux règnent en maître. Ainsi, pour les explorateurs et voyageurs coloniaux, la savane africaine n’est que le reste d’une forêt “primaire”, dégradée par les autochtones, et dont la préservation repose uniquement sur l’intervention occidentale. C’est dans ce contexte que sont créées les premières réserves de chasses et que l’on commence à exproprier des milliers d’habitants de leur territoire ; « en faisant porter aux Africains la responsabilité des dégâts causés par les Européens, l’État et les colons peuvent continuer de nier l’évidence : pour sauver la nature, ils devraient la protéger du capitalisme, le leur ».
Dans son livre, Guillaume Blanc nous explique comment ce colonialisme vert a resisté aux indépendances, et fut réapproprié par les organismes internationaux de conservation tels que l’UNESCO, le WWF ou encore l’UICN. Ces organismes, sur la base de rapports approximatifs incriminant l’agropastoralisme comme principale cause de dégradation des sols et de l’environnement, convertissent ces mêmes réserves de chasse en parcs naturels, et continuent d’expulser les populations locales, au profit du tourisme bénéficiant aux dirigeants africains. Guillaume Blanc parle ainsi de “déshumanisation” des parcs naturels africains, traduite par une criminalisation de millions d’agriculteurs et bergers:
“Le colonialisme vert c’est l’entreprise qui consiste à naturaliser l’Afrique par la force c’est-à-dire que plutôt que de résoudre la crise écologique comme elles le font en Europe des institutions comme l’Unesco, le WWF, L’UICN, s’efforcent de naturaliser l’Afrique c’est-à-dire de déshumaniser la nature.”
Guillaume Blanc
Le chlordécone est un pesticide ultra toxique utilise massivement de 1972 à 1993 dans les bananeraies pour aider à lutter contre le charaçon du bananier (insecte qui détruisait les cultures). Il est aujourd’hui au coeur d’un procès historique.
Perturbateur endocrinien reconnu comme neurotoxique, reprotoxique (pouvant altérer la fertilité), et classé possible cancérogène dès 1979 par l’Organisation mondiale de la santé. La France ne l’a interdit qu’en 1990 mais a toutefois autorisé son utilisation aux Antilles jusqu’en 1993 à l’aide de dérogations signées par les ministres de l’agriculture de l’époque.
Aujourd’hui, le chlordécone est une véritable problématique pour les Antilles. En effet, dans les années 2000, il a été découvert que le pesticide passait dans la chaîne alimentaire et avait contaminé l’ensemble de la faune et la flore ainsi que la population elle-même.
La quasi-totalité des 800 000 habitants de la Guadeloupe (95 %) et de la Martinique (92 %) sont aujourd’hui contaminés, comme le révèle une étude menée pour la première fois à grande échelle par Santé publique France
Pouvant causer de sévères troubles neurologiques et testiculaires si l’on y est exposé à forte dose, le chlordécone augmente également le risque de prématurité, de cancer de la prostate et possède également des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons.
Deux plaintes furent déposées en 2006 et 2007 pour déterminer quelles étaient les responsabilités dans ce désastre. L’une d’entre elles, déposée en 2006 pour empoisonnement au chlordécone, est aujourd’hui soumise à la prescription qui est de 20 ans pour ce type de crime.
Une quarantaine d’associations, de syndicats, de partis politiques martiniquais, ainsi que des personnalités, comme le chanteur Joey Starr ont appelé à une mobilisation en février dernier. Celle-ci a rassemblé entre 10 000 et 15 000 personnes en Martinique selon les organisateurs.
C’est dans ce contexte que les associations mobilisées en Martinique envisagent de saisir la Cour européenne des droits de l’homme si la plainte auprès de la justice française n’aboutit pas.
Pour aller plus loin :
Le monde, Faustine Vicent : “Scandale sanitaire aux Antilles : qu’est-ce que le chlordécone ?”
Franceinfo (1er mars 2021) : “Scandale du chlordécone : on vous explique pourquoi la Martinique et la Guadeloupe se mobilisent contre “l’impunité”
Le monde (Youtube) : “Chlordecone : Le scandale sanitaire expliqué.”
L’écologie est souvent associée à une “préoccupation de riches”, réservée à une élite urbaine “bobo-écolo”, disposant de moyens pour consommer bio et local, acheter un véhicule électrique ou encore rénover l’isolation de son logement. Ces pratiques sont en effet particulièrement mises en avant par les politiques publiques dans la lutte contre le changement climatique.
Cependant, les classes aisées sont loin d’être celles qui disposent de la plus faible empreinte écologique, et les classes populaires sont les plus concernées par la pollution et le réchauffement climatique. Nombreux.ses habitants des quartiers populaires se disent ainsi tout particulièrement concernés par l’écologie.
Comment alors expliquer que les mouvements de luttes et militantismes écologistes soient encore et toujours uniquement portés par les classes moyennes et supérieures ?
Le rapport à la consommation dépend étroitement du niveau de vie des individus. Ainsi, pour les catégories les plus pauvres, l’ascension économique et sociale reste fortement associée à la possibilité d’acquérir plus de biens et de services, et donc de pouvoir consommer plus.
En revanche, on observe paradoxalement que plus le capital économique et culturel est élevé, plus l’empreinte écologique baisse. Les individus les plus éduqués et sensibilisés à l’écologie, par exemple, sont généralement ceux qui souhaitent le plus sortir de la société de consommation, repenser leurs rapport à la sobriété voire même adopter un mode de vie minimaliste.
Nous sommes donc face à un paradoxe. Si les populations les plus précaires sont celles qui polluent et qui consomment le moins, ce sont également celles qui sont le plus ancrées dans la société de consommation. Le milieu militant écologiste, promouvant l’anti-consumérisme, la sobriété, la décroissance, entre donc en contradiction avec les “attentes sociales” de cette catégorie. A l’inverse, les milieux plus aisés, n’ayant plus à se préoccuper d’atteindre un certain seuil de niveau de vie, peuvent donc se mettre en quête d’un retour vers de telles valeurs à travers l’engagement écologiste.
Le mot écocide a pour racine « Eco » qui en grec « ΟΙΚΟΣ» signifie la maison et « cide » du latin « cidere » qui signifie tuer.
Le concept de crime d’écocide était déjà débattu en 1947 au cours de la Commission du droit international pour préparer le Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. C’est en 1970, lors de la conférence sur la guerre et la responsabilité nationale, que le terme « d’écocide » fut employé pour la première fois par le biologiste américain Arthur Galston.
Arthur Galston le désigne alors comme: « la dévastation et la destruction visant à endommager ou détruire l’écologie de zones géographiques au détriment de toute forme de vie, qu’elle soit humaine, animale ou végétale »
Les cas d’écocide reconnus dans l’Histoire :
– L’agent orange, défoliant toxique utilisé par l’armée américaine durant la guerre du Vietnam. Près de 80 millions de litres furent déversés et plus de 2 500 000 hectares contaminés.
– L’affaire du Probo Koala en 2006 à Abidjan. Le bateau Probo Koala, affrété par la multinationale Trafiguara avait alors déversé des centaines de tonnes de déchets toxiques pestilentiels en divers points de la capitale économique ivoirienne.
À ce jour, le crime d’écocide n’est pas reconnu internationalement. Seulement une dizaine de pays ont intégré l’écocide dans leur code pénal national dont le Vietnam. La France n’en faisant pas partie.
Source :
Khaznawi, N. (2021, 2 février). Le dernier combat de Tran To Nga – Éco-Habitons. Medium.
Santacroce, L. (2020, 29 juin). Crimes contre l’environnement : la difficile reconnaissance de l’écocide. Geo.fr.
Malgré sa popularité éditoriale, le concept d’écoféminisme reste relativement incompris par un grand nombre de personnes. Courant philosophique, mouvement militant, concept théorique, l’écoféminisme recouvre une grande variété d’idées et de pratiques. Au croisement de ces différents aspects se trouve une même affirmation : l’oppression des femmes et la surexploitation de la nature sont des phénomènes intimement liés.
Au-delà d’un concept théorique, l’écoféminisme est avant tout un mouvement contestataire qui prend naissance et révèle son essence dans des luttes variées : luttes antinucléaires, anti complexe militaro-industriel, contre la déforestation, l’extractivisme, pour le climat…
L’écoféminisme se revendique généralement comme un mouvement intersectionnel qui s’intéresse tout d’abord aux femmes, mais également aux questions de race, de classe et d’orientation sexuelle. Les approches développées par le mouvement offrent des outils de réflexions innovants pour critiquer l’association entre femmes et natures dans les représentations, pour désagréger des données sur les dégâts du réchauffement climatique et sur la lutte environnementale ou encore pour analyser la division genrée des responsabilités, des conséquences et des réparations vis-à-vis des enjeux climatiques contemporains.
Pour aller plus loin:
Pour en lire plus sur les luttes des écoféministes et découvrir les autres aspects de ce mouvement, vous pouvez lire l’article de Perrine et Elisa sur le sujet.
Plus d’information sur les outils de réflexion de l’écoféminisme et sur les passerelles qui existent avec d’autres courants d’écologie intersectionnelle dans cet article d’Amaël.
Tous les exemples où le bonheur écologique des uns (privilégié.e.s) fait le malheur des autres (à l’intersection des discriminations) sont une manifestation de ce que Malcom Ferdinand appelle l’environnementalisme.
Dans son ouvrage Une écologie décoloniale, ce politologue et ingénieur en environnement définit l’environnementalisme comme “l’ensemble des mouvements et courants de pensée qui tentent de renverser la valorisation verticale de la fracture environnementale sans toucher à l’échelle de valeurs horizontale, c’est-à-dire sans remettre en cause les injustices sociales, les discriminations de genre et dominations politiques (…)” En d’autres termes, les mouvances environnementalistes critiquent la domination de l’homme sur la nature sans prendre en compte les formes de dominations qui existent au sein de la société humaine.
L’écologie décoloniale articule la confrontation des enjeux écologiques contemporains avec l’émancipation de la fracture coloniale, avec la sortie de la cale du navire négrier. L’urgence d’une lutte contre le réchauffement climatique et la pollution de la Terre est imbriquée dans l’urgence des luttes politiques, épistémiques, scientifiques, juridiques et philosophiques, visant à défaire les structures coloniales du vivre-ensemble et des manières d’habiter la Terre qui maintiennent les dominations de personnes racisées, et particulièrement les femmes, dans la cale de la modernité. “
Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale
Le terme gentrification désigne à l’origine le processus de réappropriation par la classe moyenne des quartiers historiquement populaires des villes. Il a d’abord été utilisé par des chercheurs anglo-saxons dans le contexte des villes comme Londres et New York. Le concept a pris de l’importance par-delà ce contexte, pour qualifier les processus d’embourgeoisement qui prennent place dans des contextes variés à travers le monde. Il est également utilisé pour décrire des dynamiques suivant la réhabilitation d’anciens quartiers industriels. Dans sa thèse sur la gentrification à Paris intra-muros, Anne Clerval dénonce l’utilisation plus courante des termes comme régénération, rénovation ou bien renouvellement, qui masquent les questions sociales derrière ces transformations spatiales. À Rio de Janeiro, le terme est souvent utilisé pour décrire les montées de prix des loyers dans les favelas au profit du tourisme. Souvent considéré comme un processus qui s’inscrit sur le temps long, la gentrification d’un quartier peut également se produire de façon plus abrupte lors des grandes opérations d’aménagement urbain, comme lors des Jeux Olympiques de Rio en 2016.
La gentrification en tant que phénomène de colonialisme urbain, comme évoqué par Manon Vergerio, “est un phénomène qui participe à la continuité de politiques racistes de l’État, l’effacement de groupes racisés et le recours à la violence policière parrainée par l’État”.
En effet, les personnes les plus vulnérables à la gentrification sont celles qui ont déjà subi d’autres déplacements forcés (migrants ruraux, réfugiés, demandeurs d’asile, personnes déplacées à l’intérieur de leur pays). Pour cette raison, faire le lien entre gentrification et intersectionnalité devient d’autant plus important dans un contexte de crise climatique ou les migrations liées aux catastrophes environnementales entraînent de plus en plus de déplacements forcés.
La notion d’internationalisme radical, développé par Maïka Sondarjee dans son ouvrage “Perdre le Sud, décoloniser la solidarité internationale” se base sur l’idée d’étendre les formes de solidarité qui existent au niveau national à une échelle internationale. Cela passe certe par une redistribution accrue des richesses, mais également par un changement de mentalité. Elle propose par exemple de cesser de prioriser les vies des personnes blanches et / ou occidentales dans les médias lorsque des catastrophes naturelles ont lieu. Son modèle passe enfin par des réformes de fond des relations internationales et du secteur du développement, notamment avec “l’annulation des dettes illégitimes, une plus grande régulation du cours des matières premières et l’adoption de règles de commerce plus équitables.
“Ce n’est pas qu’il y a le capitalisme et il y le racisme systémique, ce n’est pas qu’il y a le capitalisme et il y le colonialisme, il s’agit d’un capitalisme colonial, il s’agit d’un capitalisme racialisé, il s’agit d’un patriarcat racialisé. Pour moi il y a des structures d’oppression, d’exploitation et de dépossession qui se traversent les unes les autres, qui se permettent les unes les autres.”
Maïka Sondarjee dans le podcast Les Echos d’Eco-Habitons
Le terme intersectionnalité des Etats-Unis, où il a été employé pour la première fois en 1989 par l’avocate et philosophe Kimberlé Crenshaw pour montrer les manquements de la loi lorsque les questions de genre, de race et de classe ne sont pas adressées conjointement.
"Puisque l'expérience intersectionnelle est plus importante que la somme du racisme et du sexisme, quelconque analyse qui ne prend pas en compte l'intersectionnalité ne traite pas la façon particulière dont sont subordonnées les femmes noires"
Depuis 1989, le concept a été repris par les chercheur.se.s, et plus généralement en sciences sociales, pour "conceptualiser la relation entre des systèmes d'oppression" qui construisent nos identités multiples et nos situations sociales par des hiérarchies de pouvoir et de privilèges.
Anna Carastathis
L'intersectionnalité dont on parle de plus en plus pour analyser les questions sociales ne se définit pas par l'addition ou la hiérarchisation de variables plus ou moins importantes de domination, mais par la compréhension de l'oppression dans toute sa complexité et sa globalité
Maïka Sondarjee
Aujourd'hui, le concept de l'intersectionnalité a donc quitté le cadre de l'analyse légale pour être utilisé dans différents domaines de la recherche, mais aussi dans des projets de développement et dans les luttes militantes, notamment féministes, antiraciste et décoloniale
En ce qui concerne l’écologie, il est compliqué de parler de racisme environnemental en France, car l’absence de variable ethno-raciale dans les statistiques françaises bloque la possibilité d’une grille de lecture qui se veuille intersectionnelle.
On préfèrera donc utiliser le terme d’inégalités environnementales, plus à même de représenter les constructions sociales propres à la République française. Au cœur de celles-ci, ce sont les inégalités liées à la santé des habitants qui sont le plus dénoncées dans les différentes études liées à ce sujet. Exposition aux pollutions, aux nuisances, aux bruits, aux produits chimiques sont autant de facteurs qui touchent particulièrement les territoires les moins aisés. La répartition de la population dans la ville de Paris en est un exemple flagrant. En effet, en raison des vents soufflant principalement d’ouest en est, il a été décidé au XIXème siècle, en pleine période d’industrialisation, de protéger les quartiers bourgeois des fumées industrielles et de placer les populations ouvrières et immigrantes au nord-est de la ville. Encore aujourd’hui, les quartiers nords sont les plus soumis aux nuisances, avec notamment l’autoroute A1, en Seine Saint Denis, qui reçoit près de 200 000 voitures par jour. A cela s’ajoute une plus forte exposition aux fortes chaleurs, en raison de la hauteur des immeubles, du bétonnage et de la faible végétation, ainsi qu’une d’une mauvaise isolation et d’une mobilité réduite. On assiste ainsi depuis peu à une véritable mobilisation dans les quartiers populaires, avec par exemple l’émergence des Toxic Tours visant à démontrer les dégats environnementaux de certains aménagements ou le rassemblement “On veut respirer” organisé en juillet dernier par les collectifs Génération Climat et Génération Adama.
Les années 70 ont vu s’installer des Terres de femmes, dont les premières virent le jour en Oregon, aux États-Unis. Françoise Flamant décrit l’origine de ces lieux non-mixtes, pour la plupart lesbiens, dans son ouvrage Women’s Land, construction d’une utopie (2015). Dans la série Arte Radio Un Podcast à soi, la journaliste Charlotte Bienaimée partage le quotidien d’habitantes d’une Terre de femmes en France, dans les Pyrénées. Tout comme en Oregon, il s’agit d’une Terre de femmes non-mixte et lesbienne. À cette non-mixité, les habitantes répondent le souhait de créer une communauté libérée des normes et valeurs véhiculées par le patriarcat.
Cette Terre est un endroit où les femmes, d’ici et d’ailleurs, se sentent en sécurité. Il s’agit également pour elles de développer un nouveau rapport au corps, qui ne soit plus objectivé et sexualisé par un regard masculin. Se sentir en sécurité, recréer des valeurs, cohabiter avec le Vivant, mais aussi et surtout développer un sentiment de sororité qui pour elles ne pouvait être “vrai” dans une société patriarcale qui place les femmes en compétition les unes par rapport aux autres. De plus, elles souhaitent vivre leur homosexualité librement, et en faire, pour une fois, la norme de leur communauté. Enfin, elles développent un rapport de soin quotidien, à la terre tout comme entre elles, développent une nouvelle manière d’être au monde.
La place de l’handicap au sein du mouvement écologiste reste encore très faiblement étudiée et plutôt marginalisée. De plus en plus d’associations anti-validistes dénoncent cependant le manque d’inclusivité de certaines campagnes écologistes. C’est par exemple le cas de l’interdiction de la paille en plastique dans de nombreux pays, pourtant indispensable à certains usagers. Le peu d’alternatives proposées (paille en métal, en bambou ou en verre) comprennent malheureusement de nombreux inconvénients pour les personnes présentant un handicap: difficilement maniables, risques de brûlures ou d’étouffement, etc…
#Lab 2 : Reconstruire la maison écologique
La maison peut être autonome en énergie électrique grâce à l’installation de panneaux solaires ou d’éoliennes domestiques, ou en énergie combustible en utilisant par exemple du bois coupé aux alentours. Elle peut également être autonome en matière d’eau en récupérant l’eau de pluie, ou en puisant l’eau d’un puits ou une rivière. Si des solutions existent pour traiter l’eau récupérée afin de la rendre potable, ces systèmes restent onéreux. En général, l’autonomie totale est ainsi davantage un idéal vers lequel tendre qu’une réalité. Le principe essentiel est d’investir les ressources naturelles et renouvelables à portée de main.
Le terme bioclimatisme caractérise un habitat dont l’architecture tire le meilleur parti du rayonnement solaire et de la convection naturelle de l’air afin d’assurer un confort en été comme en hiver tout en réduisant la consommation d’énergie. Pratiqué depuis toujours dans des habitats vernaculaires, le bioclimatisme a perdu de son importance avec les technologies de chauffage et de refroidissement de l’air.
Il existe ainsi des techniques propres à chaque patrimoine culturel et dépendante de chaque climat pour réguler non seulement la température, mais aussi le taux d’humidité ou encore de luminosité d’un bâtiment. Ces méthodes d’architecture prennent en compte les saisons, les précipitations ou encore la direction des vents afin de garantir la maîtrise de l’habitat.
Un chantier participatif, ou collaboratif, c’est un événement convivial où des personnes travaillent bénévolement pour construire ou rénover un bâtiment.
Ce genre de pratique a toujours existé et est commune dans un très grand nombre de pays aujourd’hui encore : on parle par exemple de twiza au Maghreb ou bien de convite en Colombie. L’approche communautaire permet à toutes et tous d’y gagner, tout en contournant les logiques marchandes. Ainsi, l’hôte reçoit de l’aide pour ses travaux et réduit considérablement les coûts de main-d’œuvre. Les volontaires sont généralement logés et nourris, ou bien reçoivent d’autres services ou biens en échange de leur travail.
Le terme gentrification désigne à l’origine le processus de réappropriation par la classe moyenne des quartiers historiquement populaires des villes. Il a d’abord été utilisé par des chercheurs anglo-saxons dans le contexte des villes comme Londres et New York. Le concept a pris de l’importance par-delà ce contexte, pour qualifier les processus d’embourgeoisement qui prennent place dans des contextes variés à travers le monde. Il est également utilisé pour décrire des dynamiques suivant la réhabilitation d’anciens quartiers industriels. Dans sa thèse sur la gentrification à Paris intra-muros, Anne Clerval dénonce l’utilisation plus courante des termes comme régénération, rénovation ou bien renouvellement, qui masquent les questions sociales derrière ces transformations spatiales. À Rio de Janeiro, le terme est souvent utilisé pour décrire les montées de prix des loyers dans les favelas au profit du tourisme. Souvent considéré comme un processus qui s’inscrit sur le temps long, la gentrification d’un quartier peut également se produire de façon plus abrupte lors des grandes opérations d’aménagement urbain, comme lors des Jeux Olympiques de Rio en 2016.
La gentrification en tant que phénomène de colonialisme urbain, comme évoqué par Manon Vergerio, “est un phénomène qui participe à la continuité de politiques racistes de l’État, l’effacement de groupes racisés et le recours à la violence policière parrainée par l’État”.
En effet, les personnes les plus vulnérables à la gentrification sont celles qui ont déjà subi d’autres déplacements forcés (migrants ruraux, réfugiés, demandeurs d’asile, personnes déplacées à l’intérieur de leur pays). Pour cette raison, faire le lien entre gentrification et intersectionnalité devient d’autant plus important dans un contexte de crise climatique ou les migrations liées aux catastrophes environnementales entraînent de plus en plus de déplacements forcés.
La technologie et l’innovation peuvent être des grandes alliées de l’écologie. Dans les pays riches, où la main-d’œuvre peut être très coûteuse, des technologies sophistiquées s’annonces comme une solution pour rendre les processus de construction plus durables. La “high-tech” nous permet aujourd’hui, par exemple, de préfabriquer des blocs en terre comprimée ou des murs isolés en paille, d’imprimer des maisons 3D en terre crue, de faire une découpe laser des blocs de construction pour se passer des liants polluants comme le mortier ou la colle. Des logiciels avancés nous permettent également de faire des calculs pour réduire la consommation énergétique de nos bâtiments et même de produire de l’énergie. Cependant, l’empreinte écologique d’une construction prend en compte non seulement les matériaux avec lesquels elle est construite, mais aussi toute l’énergie et ressources consommées durant le chantier, l’usage et la déconstruction ou démolition de celle-ci. Il est donc important de prendre cela en considération lorsqu’on construit avec des “high-techs”.
On dit d’un matériau qu’il est bio-sourcé lorsque il est d’origine végétale ou animale, c’est-à-dire que “la matière qui le constitue est issue de la biomasse”, et qu’il est géo-sourcé lorsqu’il est d’origine minérale, et donc que “la matière qui le constitue est issue des couches géologiques ou pédologiques de la croûte terrestre.” (Source : CRAterre)
Selon le territoire, différents minéraux comme l’argile, le sable, le gravier, différentes fibres tels que le chanvre, le maïs ou le sorgho peuvent être collectés en grande quantité et utilisés pour la construction. La récupération de ressources issues d’autres activités, agricoles ou pastorales notamment, permettant ainsi de limiter au maximum la mise en déchet. Poil animal, bouse, paille, roseau, de très nombreux matériaux aux caractéristiques diverses peuvent être exploités comme fibre liante, comme fil ou bien comme toiture.
L’usage de matériaux de construction locaux répond généralement à la fois à des enjeux écologiques et culturels. Il s’agit souvent de matériaux qui possèdent des qualités qui les rendent adaptés à un certain climat et environnement, et dont les communautés locales savent très bien se servir. Aujourd’hui, construire avec des matériaux locaux a toutefois un intérêt écologique, car limitant la pollution engendrée par l’acheminement de matériaux.
L’usage des matériaux locaux rime avec la valorisation des traditions d’habitats vernaculaires. L’usage des savoirs locaux des artisans dans la construction et la rénovation de bâtiments vise souvent à conserver l’unité et le cachet d’un patrimoine. Différentes techniques constructives ont été employées en France en fonction du territoire : la pierre, le bois, la paille, la terre crue (comme la bauge, le pisé, le torchis ou l’adobe). À travers le monde, la terre a été le matériau de construction le plus utilisé dans l’histoire. Elle est renforcée aux moyens de fibres différentes, selon ce qui est disponible localement.
Le réemploi est une technique ancienne pratiquée dans de nombreuses cultures. En termes d’architecture, les Egyptiens, Grecs et Romains, par exemple, récuperaient les métaux de leurs anciennes constructions pour en bâtir de nouvelles. Au Japon, le kintsugi 金継ぎ est un art qui consiste à réparer des poteries avec de l’or. En donnant une seconde vie aux objets, cette philosophie traite les cassures et les réparations comme faisant partie de leur histoire et pas quelque chose à déguiser. Lorsqu’il s’agit d’utiliser de nouveau des substances, matières ou objets qui ne sont pas considérés comme des déchets pour un usage identique, on parle de réemploi. Quand, au contraire, on donne un nouvel usage à des substances, matières ou objets qui étaient devenus des déchets, on parle de réutilisation.
Le code du patrimoine définit dans son article L1 la notion de « patrimoine » comme étant « l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique. » Baeteman, 2018.
Le patrimoine matériel et immatériel local est une source essentielle de solutions pour penser l’habitat écologique. En se basant sur des savoirs faire et des matériaux locaux et traditionnels, il est possible de construire ou de réhabiliter tout en respectant le cachet d’un territoire d’une part, et de bâtir en adéquation avec le climat et les ressources naturelles du lieu d’autre part.